La Fed joue la montre : statu quo et tensions internes à la clé

La Fed joue la montre : statu quo et tensions internes à la clé

La Réserve fédérale américaine a tranché : les taux directeurs resteront inchangés pour le moment. Lors de sa réunion des 29 et 30 juillet 2025, le Comité de politique monétaire (FOMC) a maintenu sa fourchette cible à 4,25 % – 4,50 %, refusant d’ouvrir la porte à une baisse immédiate malgré les signaux de ralentissement économique. Une décision qui, loin de faire consensus, révèle un climat de dissensions internes et de prudence extrême.

Un statu quo sous haute tension

Avec un vote de 9 voix contre 2, la Fed s’est prononcée en faveur du maintien des taux, mais deux gouverneurs — Christopher Waller et Michelle Bowman — ont exprimé leur désaccord public. Ils plaidaient pour une réduction de 25 points de base dès cette réunion, invoquant le fléchissement du marché de l’emploi et le ralentissement de la consommation. Ce double dissentiment, inédit depuis 1993, souligne la fracture croissante au sein de l’institution.

Le président Jerome Powell a tenu à rappeler que l’approche de la Fed reste « dépendante des données », insistant sur le fait qu’aucune décision n’est pré-programmée. Autrement dit : la banque centrale temporise, suspendue à l’évolution des indicateurs macroéconomiques dans les semaines à venir.

Des signaux économiques ambigus

Si le PIB a progressé de 3,0 % au second trimestre, la dynamique interne apparaît plus fragile. Les dépenses des ménages ont ralenti (+1,2 %) et le dernier rapport sur l’emploi a surpris par sa faiblesse : seulement 73 000 créations de postes en juillet, bien en deçà des attentes. Pire encore, les révisions pour les mois précédents montrent que plus de 250 000 emplois auraient été surévalués. Le taux de chômage a ainsi grimpé à 4,2 %, un niveau jamais atteint depuis plus de deux ans.

Pour autant, l’inflation reste au-dessus de la cible de 2 %, et les tensions commerciales — notamment les nouveaux tarifs douaniers — pourraient générer des effets haussiers sur les prix. La Fed se retrouve donc coincée entre deux dynamiques contradictoires : un ralentissement de l’activité et une inflation potentiellement résiliente.

Les divergences internes se creusent

La fracture au sein du FOMC pourrait s’intensifier si les prochains chiffres sur l’emploi ou l’inflation surprennent à nouveau. Les membres “colombes” du comité, favorables à une détente monétaire rapide, arguent que la politique actuelle est déjà restrictive. À l’inverse, les “faucons” réclament une vigilance accrue face au risque de voir l’inflation repartir à la hausse dans un contexte de relocalisation industrielle et de hausses tarifaires.

Réactions des marchés

Les marchés financiers ont initialement espéré une coupe en septembre, mais les propos de Powell ont douché cet optimisme. Les contrats à terme sur les Fed Funds ont réduit la probabilité de baisse à moins de 40 %, contre 70 % la semaine précédente. En parallèle, les taux des bons du Trésor américain à 10 ans ont légèrement progressé, et l’écart avec les taux à 2 ans s’est resserré, signalant une forme d’attentisme généralisé.

Calendrier des prochaines décisions attendues

DateÉvénementImpact attendu
2 août 2025Rapport sur l’emploi (non-farm payrolls)Décisif pour la réunion de septembre
14 août 2025Indice CPI (inflation)Évaluation des pressions tarifaires
18 septembre 2025Réunion FOMC + projections économiquesPossibilité de première coupe de taux

Entre prudence et pression politique

La Fed évolue aussi dans un environnement politique délicat. Les appels répétés du président Trump à réduire rapidement les taux d’intérêt pour soutenir l’économie alimentent des interrogations sur l’indépendance de la banque centrale. Powell, sans les nommer, a réaffirmé la neutralité de l’institution et son engagement à agir “en fonction des données, et non de la pression”.

Qu’attendre pour la suite ?

La question centrale demeure : quand la Fed décidera-t-elle de relâcher la pression monétaire ? Trois conditions semblent nécessaires :

  • Une confirmation durable du ralentissement de l’inflation vers l’objectif des 2 %
  • Un affaiblissement net et soutenu du marché de l’emploi
  • Une dissipation des risques inflationnistes externes (énergie, tarifs, salaires)

En attendant, la ligne reste claire : pas de précipitation, pas d’engagement ferme, mais une vigilance accrue sur tous les fronts. L’incertitude économique de l’été 2025 oblige la Fed à naviguer à vue, entre attentes du marché et impératifs de stabilité macroéconomique.

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